Et voilà que revient la sempiternelle antienne relative aux signes religieux dans l'espace public. Comme le refrain d'une chanson conservatrice et de repli qui refait son apparition tous les 4-5 ans.
Partons du principe que la décision du gouvernement fédéral (interdire le port de signes religieux, politiques et philosophiques pour les fonctionnaires fédéraux en contact avec le public) ne vise aucune communauté en particulier. Quelle est le but visé? Le gouvernement se réfère à une loi de 1937, laquelle édicte que "(...) l'agent de l'Etat évite toute parole, toute attitude, toute présentation qui pourrait être de nature à ébranler la confiance du public en sa totale neutralité, en sa compétence ou en sa dignité." Il s'agirait donc de veiller à la neutralité du fonctionnaire public.
A nos yeux, neutre ne veut pas dire aseptisé, sans particularité, sans personnalité. Le fonctionnaire, fédéral, régional, communal, européen, est neutre dans la manière dont il traite les dossiers, dont il s'adresse aux citoyens, dont il fait preuve de sens professionel. Porter une kippa, un t-shirt avec Che Guevara ou un pin's arborant la flamme laïque ne présuppose pas que le citoyen se verra traité différemment, que le service qui lui sera apporté sera biaisé. Le penser, et en faire découler une décision politique, relève du procès d'intention.
Qu'est-ce qui dérange tellement dans le signe religieux? Qu'est ce qui me fait craindre une différence de traitement selon que le fonctionnaire en face de moi arbore une croix plutôt qu'un t-shirt de Marylin Manson (au hasard) et des tatouages celtiques sur ses avant-bras (toujours au pif)?
Si on examine de plus près cette décision, et qu'on va au-delà de la liberté (bafouée) de porter le vêtement que l'on souhaite, on voit deux autres limites à cette décision qui portent atteinte, eux, aux droits de l'Homme:
- une discrimination religieuse, surtout envers les musulmans et les juifs. Soyons de bon compte, le fonctionnaire chrétien qui se voit interdire le port ostentatoire de son appartenance religieuse pourra mettre sa croix en dessous de son polo ou de son chemisier. Qu'en sera-t-il des hijabs, tchadors et kippas? Sachant que le port de ces derniers fait partie intégrante de la foi des personnes qui les coiffent, ces dernières devront soit changer de département (si possibilité il y a), soit tout simplement changer d'employeur.
- une discrimination de genre : on le répète, les personnes les plus exposées à cette décision sont, à nos yeux, les fonctionnaires de confession juives et musulmanes. Parmi ces derniers, les hommes ne sont pas tant touchés vu qu'il s'agit surtout de viser les signes ostentatoires, à savoir, en l'occurence, le foulard islamique, porté par les femmes.
Nous ne connaissons pas les chiffres des personnes portant des signes religieux ostentatoires dans les administrations publiques. Mais, même si l'on parle ici d'une minorité de personnes affectées par cette décision, il s'agit d'une stigmatisation claire et nette envers des personnes en fonction de leur appartenance religieuse, philosophique, etc.
Il serait plus intelligent (et plus porteur) de concentrer les efforts sur la promotion de la tolérance, de la diversité, du multiple, du vivre ensemble. Afin, peut-être un jour, de ne pas changer de file parce que la fonctionnaire est voilée, mais y rester car cela sera normal, cela fera partie, pour tout un chacun, de la composition de société telle qu'elle est (déjà aujourd'hui).
RF
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