Soyons de bons comptes, l'aménagement d'un grand espace piétonnier dans le centre de Bruxelles constitue un projet ambitieux et nécessaire pour le bien-être des gens (habitants de la zone, citoyens bruxellois et belges, touristes) ainsi que pour l'environnement. La récente étude sur la pollution à Paris vient notamment confirmer (toute proportions gardées) qu'un changement dans la mobilité urbaine est indispensable.
Ce qui laisse perplexe, ce n'est pas tant ce qui va changer à l'intérieur de la Petite Ceinture (même si certaines réserves peuvent déjà être émises concernant le risque de créer un mini-ring), mais bien l'impact que ce nouveau projet a(ura) sur le reste de la Région. Le Pentagone n'est pas un îlot perdu au milieu des champs, mais une partie d'une ville composée de plusieurs communes. Communes qui, pour certaines, souffrent de problèmes de trafic parfois plus importants que dans le centre-ville (on pense, au hasard, aux extrémités de Woluwé-Saint-Pierre, Auderghem et Evere en bord de Ring ou le goulet Madou).
Ce qui rend dubitatif, c'est le manque de vision holistique de la part des autorités bruxelloises, tous niveaux confondus. Une grande partie des voitures qui roulent aujourd'hui dans le centre n'y auront plus accès. A moins que les conducteurs décident de ne plus prendre leur voiture (on en doute), ces mêmes voitures rouleront en dehors du Pentagone, ajoutant des embouteillages, des énervements et des réactions en chaîne à des zones déjà encombrées.
L'idée partant du principe que l'interdiction faite aux voitures d'accéder à un territoire délimité entrènera un changement de mentatlités dans leur mode de transport, ne tient pas forcément la route. Les conducteurs n'abandonneront pas, comme par magie, l'utilisation de leur quatre roues en ville, surtout s'il n'y a pas d'alternative efficace.
Cette même idée pourrait par contre faire partie d'un plan global, incluant toutes les communes bruxelloises et de la périphérie, afin d'avoir une vue d'ensemble cohérente qui prennent tous les aspects (et tous les quartiers) en compte. A ce titre, les leviers sur lesquels il serait possible de jouer sont multiples:
- Investissement massif dans les transports en commun, tant en terme d'augmentation de lignes que de nombre de véhicules;
- Péage à l'entrée de Bruxelles afin de filtrer les allées et venues (manne financière qui permettrait également de supporter l'investissement en transports en commun);
- Rôle accru de Bruxelles-Mobilité afin d'avoir une vision et un pouvoir de décision supérieur aux communes;
- Développement de pistes cyclables cohérentes et sans risque (exemple parmi d'autres : trop souvent des pans de rues empruntés par les automobilistes sont également mis à disposition des cyclistes ce qui, même s'il y a un marquage au sol, expose ces derniers à des dangers);
- Abandon (progressif) de la déduction fiscale des voitures de société au profit d'une fiscalité environnementale.
Ces quelques éléments (il y en a d'autres évidemment) devraient être pris en considération dans leur globalité et non séparément, chacun d'entre eux venant en alternative à d'autres.
Bruxelles (19 communes et périphérie) est confrontée à plusieurs défis de taille dont, notamment, la gestion de l'explosion démographique et les enjeux environnementaux (pollution, biodiversité, etc.). Son statut hybride (ville-région composée de communes dont le pouvoir est important) doit évoluer vers plus de concertation et de coordination entre les différents acteurs afin d'avoir une vision et une mise en oeuvre de politiques plus incluantes, qui permette de faciliter la vie des gens tout en préservant leur santé et l'environnement. D'autres villes (plus grandes, plus petites, plus vieilles, plus jeunes, plus riches, moins fortunées) l'ont réalisé. Il est temps maintenant que le grand Bruxelles s'y attèle.
RF
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Ce billet a été rédigé en écoutant l'album "Patine" de Brns.
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