lundi 13 octobre 2014

Pour en finir avec la suédoise

Voilà donc le nonante-cinquième gouvernement fédéral belge sur les rails. Le premier sans les socialistes depuis 26 ans (depuis le 9 mai 1988 et la prestation de serment du gouvernement Martens VIII). Le premier depuis la sixième réforme de l’Etat. Le premier avec un parti indépendantiste flamand depuis 23 ans (depuis la fin de ce même gouvernement Martens VIII dans lequel était présente la Volksunie).

Et le premier gouvernement qui est affublé d’un surnom de pays, de nationalité, voire de bien plus. 


Modèles scandinaves


Car l’appellation ”suédoise” recouvre beaucoup de nuances différentes, même si dans ce cas ce n’est que pour les couleurs du drapeau que le nouveau gouvernement fédéral belge se voit désigné de la sorte (et accessoirement pour contrer le surnom de « kamikaze »). Comme le notait Marcel Sel, le nouveau pouvoir exécutif aurait tout aussi bien pu s’appeler la « bosnienne”, vu qu’il comporte les mêmes couleurs (bleu et jaune) et un “V”, référence au signe de ralliement (et de prestation de serment) du parti indépendantiste flamand. 


Mais, soyons de bons comptes, la référence au pays scandinave est plus alléchante, surtout pour les partis composant la majorité gouvernementale, tant elle fait appel à des images positives. Dans les dernières décennies, l’imaginaire politique collectif a cité les pays nordiques pour exemplifier des modèles de réussites économiques qui préservent les acquis sociaux. Des pays où il ferait mieux vivre (le Danemark est classé premier du World Happiness Report de l’ONU, la Norvège deuxième et la Suède cinquième), où l’éducation scolaire est plus performante (le système finlandais, par exemple, est souvent cité par les acteurs du monde enseignant), où le taux de croissance et de chômage sont inversement proportionnels (au choix, la Suède), où l’environnement est préservé en ayant recours en masse aux énergies renouvelables (Norvège), etc. etc.. Désigner le nouvel attelage gouvernemental de « suédoise » renvoie donc à une image relativement bonne, de prospérité, de développement, de pays sans problème (apparent – je parle bien d’image ici et non de réalités).

Différentes réalités

Toutefois, force est de constater que le nouveau gouvernement n’a de suédois que les couleurs et cela à plusieurs égards. Au choix, trois exemples


  • Parité hommes-femmes

Le nouveau gouvernement suédois (élu le 14 septembre 2014 et entré en fonction le 3 octobre, soit 26 jours après les élections) comporte un nombre égal d’hommes et de femmes ministres : 12 de chaque, premier ministre compris (et donc non asexué).

Le nouveau gouvernement fédéral belge (élu le 25 mai 2014 et entré en fonction le 11 octobre, soit  139 jours après les élections) est composé de 14 ministres et 4 secrétaires d’Etat. Parmi ceux-ci, il y a 3 ministres femmes et 1 secrétaire d’Etat femme, soit une représentation féminine d’un peu plus de 21% si on ne prend que les ministres, d’un peu plus de 22% si on tient également compte des secrétaires d’Etat.


  • Pas d’indépendantistes en Suède

Le premier parti de la majorité gouvernementale fédérale belge est la N-VA. Ce parti a pour principal cheval de bataille l’indépendance de la Flandre (le fameux premier point dans les statuts du parti) et, par conséquence, la fin de la Belgique comme nous l’avons connue jusqu’à présent.

En Suède, il n’y a tout simplement pas de parti indépendantiste qui voudrait qu’une partie du territoire fasse sécession.

  • Un gouvernement de centre-gauche
De l’encre a déjà beaucoup coulé afin de déterminer la tendance générale du nouveau gouvernement fédéral belge : de droite, des droites, de centre-droit, d’ultra-droite, de libéral-conservateur, de néoconservateurs, etc. etc.. Si les partis au pouvoir se différencient sur certaines théories, une chose est claire, le gouvernement n’est pas de centre-gauche.

Tout le contraire donc du nouveau gouvernement suédois qui allie les socio-démocrates (Socialdemokraterna) aux verts (Miljöpartiet).

Des inspirations suédoises

Si, néanmoins, un parallèle doit être fait, il s’agirait d’analyser de quoi le nouveau gouvernement devrait s’inspirer dans le modèle suédois. Mis à part la parité hommes-femmes évoquée plus haut (et qui devra sans doute faire l’objet d’un billet à part entière vu l’importance et la complexité du sujet), il y a un point sur lequel, à mon sens, les Suédois (et peut-être/sûrement d’autres pays) ont eu un éclair de génie (qui, pourtant, devrait couler de source). Tant au niveau national que communal, il existe des départements dédiés à la stratégie et à l’avenir.  Un ministère national qui a pour mission d’avoir une vision du futur, en cohérence avec les autres ministres, de définir les priorités, de planifier les années et décennies à venir, de se projeter, de penser sur le long terme, d’envisager différents scénarios, etc.

Au vu de certaines décisions prises tant au niveau communal et régional (bruxellois, par exemple) que fédéral, une meilleure projection dans le futur afin de déterminer les politiques et reformes à mettre en place aujourd’hui vaut le coup de s’y attarder.

Quant à la manière d’appeler le nouveau gouvernement fédéral belge, il me semble que la tradition (de plus de 180 ans) peut continuer sans problème, à savoir d’accoler le nom du Premier Ministre (« Gouvernement Michel »). Si toutefois on veut vraiment distinguer ce gouvernement, l’idée suggérée par Fabrice Grosfilley me paraît cohérente et intéressante : le « Gouvernement libéral-flamand ».

RF

Ce billet a été rédigé en écoutant l’album ”Shallow” de Sea Oleena

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