jeudi 16 octobre 2014

La communication européenne: entre ambitions et précaution

L'Union européenne (UE) se trouve dans un moment historique, cela a été écrit à maintes reprises ces derniers temps, notamment au vu des résultats des dernières élections européenne de mai 2014 : taux d'abstention de 57,46%, partis eurosceptiques et europhobes (différence entre les deux ici) représentant un peu moins d'un cinquième de l'hémicyle, etc. Les defis auxquels se heurte la communication publique européenne sont relativement les mêmes que ceux qui amoindrissent le projet européen depuis plusieurs années : manque de vision, manque d'inspiration, trop éloignée du citoyen, trop difficile à comprendre, trop bureaucratique (ou du moins trop institutionnelle), manque de confiance (Eurobaromètre de mai 2014). L'UE se doit de résorber cette fracture démocratique et cela passe notamment par la manière dont celle-ci communique vers ses citoyens, de la façon dont elle les informe et leur donne le sentiment d'appartenir à un projet commun.

Au-delà des logo, hymne et devise européens, l'UE et les citoyens qui la composent ont besoin de créer une identité propre, un sentiment d'appartenance, du respect des institutions envers les citoyens et, réciproquement, de la confiance de la part des citoyens dans l'UE. Un sentiment d'unité, de rassemblement des 28 pays dans un but commun, tout en tenant compte des particularismes nationaux, régionaux, locaux.

Expliquer l'Europe prend du temps et n'est pas quelque chose de facile. Cela devrait être fait à tous les niveaux, des Sommets européens aux activités des collectivités locales. 

Une communication inclusive

La communication européenne (dans le sens de communiquer aux citoyens des réformes européennes, de les informer, et non dans le sens propagandiste) ne peut plus etre top-down, ne doit plus s'imposer de Bruxelles ou Strasbourg avec des messages uniques vers la masse globale des citoyens. 

Elle se doit d'être plus compréhensible (donc moins institutionnelle dans ses mots) et doit impliquer les gens, leur parler. En gros, elle doit parler le langage des différentes cibles. Pour cela, elle doit d'abord comprendre celles-ci. 

Elle gagnera également à être davantage transparente, portant des messages clairs et facilement identifiables. A ce titre, parler d'une seule voix cohérente s'impose de plus en plus: plutôt que de multiplier les stratégies de communication et les messages en fonction des institutions desquelles ils émanent, les différents corps de l'Union devraient s'aligner sur des idées et messages communs. 

La communication européenne devrait également utiliser davantage les moyens modernes de communication qui permettent de créer des espaces d'échanges et de débats. Laisser les citoyens s'exprimer, leur donner le sentiment d'être écoutés, accepter les critiques et, surtout, y répondre. 

Enfin (et non des moindres), elle doit être plus locale: l'Europe doit "descendre" auprès du citoyen, non pas pour lui imposer ses idées, mais pour le comprendre. L'UE ne doit pas être une "planque" pour hommes et femmes politiques, mais un travail de longue haleine, un engagement envers la société tout entière, un travail au service des citoyens. 

Une communication participative

Les personnes les plus informées pendant la campagne électorale 2014 étaient ceux des pays où il y avait des concurrents à la Présidence de la Commission (Allemagne, Belgique, Grèce, Luxembourg). L'Europe doit utiliser ses meilleurs ambassadeurs pour "vendre" sa cause et son avenir : ses représentants politiques. Les commissaires et parlementaires européens, mais également les chefs d'Etat et leurs ministres, les représentants regionaux et locaux doivent parler aux citoyens, doivent expliquer la chose européenne, les bénéfices, être prêts à la critique. Ils doivent surtout arrêter de rejeter la faute sur les institutions européennes de manière opportuniste et démagogique (alors que c'est, au final, eux qui sont les acteurs de cette "faute" - via le Conseil, le Parlement et la Commission).

Une partie de la nouvelle Commission a l'air d'être dans cet esprit. Cecilia Malmström (nouvelle Commissaire au Commerce) ou Federica Mogherini (Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères) ont dit dans leur grands oraux devant le Parlement européen qu'elles voudraient aller dans chaque pays et rencontrer la société civile. Car il faut l'accepter, le projet européen n'est pas quelque chose d'acquis : il faut constamment en expliquer les avantages, les contours, les modes de fonctionnement. Les representants politiques doivent se mouiller, expliquer les mécanismes et bénéfices de l'Union européenne. Non pas (seulement) les avantages pour elle-même, mais bien les ceux pour les citoyens, pour chacun d'entre eux. 

L'UE se trouve donc face à un défi démocratique majeur: créer une adhésion à un projet commun, un sentiment d'appartenance. Cela passe sans aucun doute par un (grand) rapprochement avec ses citoyens : les écouter, les comprendre, les soutenir. C'est un travail dantesque. Mais c'est également une opportunité en or de changer les difficultés d'aujourd'hui en actions positives demain. Cela va de la reponsabilité des hommes et femmes politiques européens. Cela implique également que ces derniers arrêtent d'être impatients et de vouloir des résulats tout de suite ainsi que de ne communiquer qu'en période d'élections.

Au cours des différentes sessions et débats organisés les 15 et 16 octobre 2014 lors de EuroPCom (conférence sur la communication publique en Europe), certains des principaux éléments qui sont ressortis étaient de deux ordres: tout d'abord (re)mettre l'humain au centre des stratégies de communication et dans leur mise en oeuvre; ensuite, être créatifs et repousser les limites de l'imagination pour communiquer et informer les citoyens. Puissent ces conclusions être entendues dans les institutions et suivies dans les mois qui viennent. 

RF

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Ce billet a été rédigé en écoutant, dans un premier temps, l'album "Way Out Weather" de Steve Gunn, ensuite l'album "Right from Real" de Lydia Ainsworth

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